Le droit de suite
Par principe, « nul n’a la faculté de chasser sur la propriété d’autrui sans le consentement du propriétaire ou de ses ayants droit ».
Ainsi, le droit de suite du gibier sur le terrain d’autrui devrait être considéré comme fait de chasse sur le terrain d’autrui, alors même qu’il aurait commencé sur un terrain où l’on dispose du droit de chasse.
Mais ce principe connaît des atténuations.
Le droit de suite sur le gibier blessé:
Il n’y a pas fait de chasse sur le terrain d’autrui et donc pas d’infraction quand le chasseur va achever l’animal qu’il a déjà mortellement blessé ou sur ses fins, ou ramasser un gibier tué dans des conditions licites. Le droit de suite du gibier mortellement blessé est donc permis sur le terrain d’autrui.
Par contre, le fait de poursuivre sur le terrain d’autrui et d’y achever un gibier simplement blessé constitue un acte de chasse et une contravention, faute d’autorisation de la part du propriétaire.
C’est pourquoi, le cas échéant, il appartiendra au chasseur de rapporter, la preuve qu’il a bien mortellement blessé ou épuisé le gibier avant qu’il tombe sur le terrain d’autrui.
Il n’y a capture effective du gibier que lorsque ce dernier ne peut plus échapper à l’appréhension sûre et certaine du tireur.
De sorte que l’animal res nullius blessé mortellement devient la propriété du chasseur puisqu’il ne peut s’échapper et survivre à sa capture définitive par le tireur.
En l’absence d’élément matériel (topographie, traces de sang…) pouvant apporter la preuve que ce gibier n’a pas été mortellement blessé lord du premier tir, il n’y a de définition juridique de l’animal mortellement blessé. Cela est laissé à l’appréciation souveraine des juges.
De surcroît, l’appréhension de blessures mortelles peut être délicate lorsque le gibier est atteint de lésions internes non visibles mais insidieuses et réelles dont seule une autopsie peut déterminer les causes réelles. De manière précise, on pourrait reconnaître qu’un animal est mortellement blessé dans les cas : d’une lésion importante visible permettant une appréhension dans un temps relativement court au tir réalisé ou d’une lésion interne engageant le pronostic vital de 48 heures établi en matière animale.
Appréciation souveraine du juge :
Dès lors à la question de savoir si un gibier poursuivi considéré par le tireur comme mortellement blessé peut, somme toute, parcourir une distance relative et être achevé par le tireur initial, il revient à l’appréciation souveraine du juge de déterminer à partir de quel moment le gibier peut être considéré comme mortellement blessé.
La jurisprudence a reconnu que la perte d’un membre pour l’animal constituait une blessure telle que le gibier devait être ainsi considéré comme approprié et donc que sa poursuite ne constituait pas un acte de chasse.
Par contre, les juges ont condamné un chasseur qui « fusil chargé en main et accompagné de son chien en laisse », recherchait un lièvre blessé passé sur le terrain d’autrui.
La Cour a rappelé opportunément que le droit d’aller chercher un gibier mortellement blessé, sur le terrain d’autrui « s’entend de la simple appréhension du gibier et non de la poursuite du gibier ».
Usant de leur appréciation souveraine, les juges n’ont pas cru, en outre, qu’un lièvre blessé pouvait continuer sa course si longtemps.
En résumé, on ne peut que conseiller dans le cadre d’une recherche avec l’aide ou non d’un chien de sang de prévenir le détenteur du droit de chasse du territoire sur lequel la recherche va s’opérer afin d’obtenir son autorisation.
La quête des chiens :
Selon le code de l’environnement, « peut ne pas être considéré comme une infraction le passage des chiens courants sur l’héritage d’autrui, lorsque ces chiens sont à la suite d’un gibier lancé sur la propriété de leur maître, sauf l’action civile, s’il y a lieu, en cas de dommages ».
Le passage sur le terrain d’autrui de chiens courants, qui sont à la poursuite d’un gibier, ne cesse d’être une infraction de chasse que si le maître des chiens justifie qu’il a fait tout ce qui dépendait de lui pour empêcher la poursuite des chiens sur le terrain d’autrui.
N’est pas non plus punissable le chasseur qui justifie que les chiens ont quêté contre sa volonté et indépendamment de toute participation de sa part.
Ainsi, l’excuse absolutoire visée par le code de l’environnement ne peut pas être invoquée par le maître de chiens courants qui n’a ni essayé de rompre les chiens partis à la quête de gibier sur le territoire d’autrui ni prouvé qu’il lui aurait été impossible de le faire.
A noter également que la seule possibilité de poursuivre un gibier mortellement blessé dans une réserve de chasse et de faune sauvage est de procéder à la recherche de l’animal blessé ou de contrôler le résultat du tir avec l’aide ou non d’un chien de sang, en y pénétrant non armé.
La recherche du gibier blessé avec un chien spécialisé n’est autorisée que pour les seuls conducteurs de chiens de sang.
Les conseils :
En premier lieu, n’oubliez jamais que nul n’a la faculté de chasser sans l’accord du propriétaire ou de ses ayants droits.
Pour garder d’excellentes relations avec vos voisins, n’hésitez pas à leur demander l’autorisation de venir récupérer « votre » gibier mortellement blessé sur leur territoire.
Pour la recherche au sang, préparez le terrain en prévenant certes le conducteur de chien mais aussi le détenteur du droit de chasse du territoire où l’animal blessé a fui.
Enfin, dernier point qui nous semble essentiel, rassurez votre voisin sur vos intentions.
Ainsi, si vous allez chercher un gibier chez lui mortellement blessé et non loin de la limite de votre territoire, laissez ou confiez à un collègue votre arme déchargée. Il n’est jamais agréable de croiser une personne inconnue armée chez soi.
Si vous êtes en infraction :
Le fait de chasser sur le terrain d’autrui sans le consentement du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse est passible d’une contravention de la 5ème classe d’un montant de 1500 € (art. R. 428-1 du code de l’environnement).
Il s’agira d’un délit dans le cas où l’infraction sera accompagnée de circonstances aggravantes (art. L. 428-4 et suivants du même code).
Ces peines peuvent être cumulées à des dommages-intérêts dans le cas où le propriétaire a engagé une action civile du fait de dommages subis sur sa propriété.
Textes de références :
- Art. L. 422-1 du code de l’environnement.
- Art. R. 428-1 II du code de l’environnement