Si la commune n’entretient pas une digue, elle sera tenue pour responsable, même sans faute de sa part, des dommages causés lors d’une inondation
La SCI La Volpaisienne, qui réunit les membres de la famille Soux, est propriétaire de trois parcelles situées sur le territoire de la commune de Sainte-Croix Volvestre (Ariège) comprenant une maison reliée, par une passerelle enjambant la rivière du Volp, à une parcelle d'agrément comportant un étang créé en 1970.
La maison, construite en 1978, était occupée par Renée Soux.
Le 4 avril 2014, à la suite de fortes intempéries provoquant une crue du Volp, la rive gauche de la berge s'est effondrée dans la rivière sur une cinquantaine de m², entraînant la passerelle métallique reposant sur deux piles en béton, qui s'est brisée.
Mme Soux, qui avait en vain demandé à la commune de réaliser des travaux sur une digue située une vingtaine de mètres en aval et de l'indemniser d'une part du coût des travaux de remise en état de la berge et de la passerelle pour un total de 132 823,20 euros TTC, d'autre part du préjudice de jouissance évalué à 10 000 euros, a saisi le juge administratif d'une demande de condamnation de la commune à indemniser ces mêmes préjudices et à procéder aux travaux.
La cour administrative d’appel de Bordeaux admet la responsabilité de la commune.
La responsabilité de la commune est engagée alors même qu’elle n’a pas commis de faute.
La cour administrative rappelle tout d’abord, les règles de responsabilité en la matière.
La digue qui a rompu est un ouvrage public.
Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement.
Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.
Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en référé, que les désordres dont s'est plainte Mme Soux sont imputables à un phénomène d'érosion régressive qui a pris origine à l'interface de la digue située en aval de sa passerelle et de la berge en rive gauche.
Il ressort de la photographie du 10 février 2014 de la berge après une première crue du Volp du 25 janvier 2014 que la digue était défaillante, conduisant le flux à se reporter vers la rive gauche, qui s'est effondrée au droit de la digue, alors que la passerelle était intacte.
Ce n'est qu'à l'occasion de la seconde crue en avril 2014 que la rive au droit de la passerelle s'est effondrée, entraînant celle-ci dans la rivière.
Il ne résulte pas de l'instruction que les précipitations ayant entraîné les crues du Volp, qui présentent un caractère habituel, auraient revêtu en 2014 une ampleur exceptionnelle permettant de les regarder comme un cas de force majeure.
La fragilité de la digue était connue, l'existence d'un " renard " ayant été constatée en 2004, puis en 2008, ce qui avait donné lieu à une mise en demeure d'exécuter des travaux adressée par les services de l'Etat à la commune.
Si la commune a effectué des travaux en 2004, elle s'est bornée en 2008 à un colmatage avec des sacs de sable.
La circonstance que, pour des raisons géologiques, les rives du Volp sont instables n'est pas de nature à remettre en cause le lien de causalité affirmé par l'expert entre le défaut d'entretien de la digue et les dommages constatés.
Dans ces conditions, la commune est responsable du préjudice subi par Renée Soux, lequel présente un caractère accidentel.
(CAA Bordeaux 3 mars 2022, n°19BX03722).
Robert CRAUSAZ